Le Terminator de la rédac a un nom : GPT-3. Tellement puissant, dit-on, que ses créateurs, j’ai nommé Elon Musk, Reid Hoffman et Sam Altman, affirment ne pas vouloir le lancer intégralement de peur qu’il soit utilisé à mauvais escient. Capable de générer des fake news et des textes à peine différenciables de ceux qu’un rédacteur a écrits à la sueur de sa plume, ce système d’intelligence artificielle a fait couler beaucoup d’encre. Mais il ne me fait pas peur.
Un robot qui fait rire et pleurer ? Ça m’étonnerait !
À l’heure où l’infobésité enivre les êtres humains, où la consommation de contenus se fait par doses homéopathiques à toute heure du jour et de la nuit et à tout âge, ceux qui tirent leur épingle du jeu, sur la toile, sont ceux qui parviennent à toucher une corde sensible. Celle de l’émotion.
GPT-3 parle d’un aspirateur. Un bon rédacteur vous fera ressentir la plénitude qui suit le ménage.
GPT-3 évoque le crash d’un avion en mer. Un bon rédacteur vous tirera des larmes.
GPT-3 vous fera suivre les grands moments d’un prix de Formule 1. Un bon rédacteur vous fera sentir l’odeur des pots d’échappement.
C’est ça, un bon rédacteur. C’est un homme ou une femme qui vous fait passer du sourire aux larmes à la lecture d’une histoire ou d’une actualité. Un individu normalement constitué, comme vous et moi, qui interpelle avec des mots soigneusement choisis qui, si tout fonctionne correctement, vous font passer à l’action. Un simple être humain doté d’empathie qui comprend son audience et considère ses persona comme des êtres faits de chair et d’os, capables d’émotions, eux aussi.
Depuis quand les marques ne fonctionnent-elles que par algorithmes ?
D’accord, d’accord. SEO, big data et tout et tout… Je sais bien que, pour être visible sur la première page des résultats de Google, il faut sortir l’artillerie lourde. Là, je m’incline. GPT-3 saura certainement mieux faire que moi. Mais, faut-il vraiment le rappeler, le contenu d’un site n’est-il dépendant que des mots-clés ? Vous savez bien que ce n’est pas le cas. Et moi aussi.
Vendre une paire de chaussures rouges avec du style (dans le contenu, pas la chaussure), de l’humour, de la fantaisie et de l’originalité n’est-il pas plus convaincant que d’énumérer froidement les matériaux qui composent la semelle, la taille du talon et, si tout va bien, une petite expression du type « très confortables » ?
L’intelligence artificielle est-elle capable de comprendre une marque ? Sa vision ? Sa raison d’être ? Si la réponse est oui, je m’incline et vais de ce pas trouver un autre job tant qu’il est encore temps. Si ce n’est pas le cas, je continue à croire que les marques, quelles qu’elles soient et quelle que soit leur audience, continueront à s’appuyer sur des concepteurs-rédacteurs talentueux qui leur permettent de se distinguer des marques concurrentes. N’est-ce pas à coup d’audace et de réflexion que Pepsi se différencie de Coca Cola ? Burger King de Mac Donald’s ?
Nous sommes d’accord. CQFD.
Robots vs. rédacteurs : chacun à sa place !
Les études montrent qu’il devient de plus en plus difficile de faire le distinguo entre l’écriture générée par un être humain et le langage naturel dont une machine est capable. Je suis la première à écarquiller les yeux devant des actus qui annoncent la sélection d’un programme d’intelligence artificielle par le jury du concours littéraire Nikkei Hoshi Shinichi (Le jour où un ordinateur écrira un roman). Clairement, l’IA est capable du meilleur. Ou du pire. Tout dépend de la manière dont on voit les choses.
Cela dit, l’intelligence artificielle ne peut fonctionner sans l’être humain. Incapable (en tout cas pour le moment) d’inventer un schéma narratif ou une intrigue, d’aller au cœur du ‘Why’ d’une marque (merci #SimonSinek), il est à espérer que les meilleures histoires – et les mieux écrites – resteront celles qui ont été réellement vécues. Que les produits dont on parle avec le plus de conviction sont ceux que l’on a touchés. Que les services les plus remarquables sont ceux que l’on a testés soi-même.
Il ne fait aucun doute, cependant, que l’IA peut largement soulager les rédacteurs. Pour ma part, si les robots peuvent me faciliter la tâche en alimentant mes idées, en corrigeant mes fautes et en me proposant des angles différents, je la ferai entrer dans mon cercle d’outils intimes. Pour l’heure, je reste convaincue que le futur apocalyptique dont parlent les médias n’est pas si proche que l’on pense. D’ailleurs, à bien y réfléchir, cette théorie n’aurait-elle pas été inventée de toutes pièces par les robots ? Sacrées machines !